lundi 28 juin 2010

Exposition Alexey Titarenko / Christien Jaspars


Alexey Titarenko est né à Léningrad en 1962. Dès l'âge de huit ans il s'intéresse à la
photographie. Adolescent, passionné par Dostoïevski, il explore les arrières cours et
les ruelles de la ville, à la recherche de l'atmosphère de cette autre ville, cachée en filigrane
dans l'histoire pré-soviétique : Saint-Pétersbourg.
A partir de 1992, avec la série "La ville des ombres", Alexey Titarenko a photographié Saint-
Pétersbourg dans un dispositif qui tente d'en dire à la fois le présent et le passé, de révéler
la trace d'une épaisseur de temps, historique et romanesque : laissant son appareil photo
sur pied, Titarenko peuple les rues d'ombres indistinctes, grâce à de longues poses de plusieurs
secondes.
Une atmosphère singulière baigne ces images, due en partie à l'étirement du temps dont le
film garde la trace, mais aussi grâce aux tirages argentiques exceptionnels de Titarenko.

Alexey Titarenko écrit à propos de ses photographies :
"Leur thème essentiel, le déclic de leur création se trouve dans le passé et reste toujours
identique: l'histoire de la Russie, du début à la fin du vingtième siècle, cette longue
litanie de tragédies, aussi bien pendant les périodes de guerre et de révolutions qu’aux
moments prétendument «paisibles».
L'histoire de la Russie.... mais sous la forme de représentations photographiques
contemporaines, prises en un même lieu, dans une même ville, St-Pétersbourg, au
cours des vingt dernières années.
La ville elle-même n'est pas le thème central, souvent elle apparaît à peine, il ne s'agit
pas de sites prestigieux, mais d'émotions qui ont tissé, façonné profondément la perception
du monde de ceux qui vivent ou ont vécu dans notre pays.
Ces émotions, universelles, sont proches de celles que suscite en nous la musique de
Chostakovitch, par exemple, ou les oeuvres de Soljenitsyne, et sont le sujet principal de
mes travaux, transformant même les plus documentaires d’entre eux en éléments non
d’un reportage, mais d’un roman. »
Notre exposition propose au public l'opportunité de découvrir de nouvelles images de ce
photographe à la production rare.
Titarenko est le photographe d'une ville, Saint Petersbourg, dont les changements l'avaient
quelque peu éloigné depuis la fin des années 90 : une nouvelle richesse avait envahi les
rues, et avec elle une circulation automobile modifiant totalement l'atmosphère de la cité.
Mais, depuis quelques années, il a repris son exploration photographique de Saint-Pétersbourg
lorsque l'hiver la rend à son essence et la fige dans son histoire de cité des ombres.
Titarenko a aussi exploré ses archives et en a extrait quelques "révélations tardives" et inédites
qu'il nous livre aujourd'hui.


Christien Jaspars a visité l'Afrique de l'ouest en 1982 pour la première fois. Ce fut une
rencontre décisive à la suite de laquelle elle a décidé de passer une partie de sa vie
au Mali.
Durant plus de dix ans elle a alors fait l'appentissage du Bogolanfini, art d'impression
sur tissus à l'aide de plantes et de boue, auprès d'une vieille teinturière dépositaire de
ce savoir.
C'est après des années de présence, lorsqu'elle était intégrée à la vie du village, imprégnée
de sa culture, qu'elle a commencé à photographier. La plupart de ses images
sont faites au sténopé, simple boite percée d'un trou d'épingle et équipée d'un film qui
ne permet pas de bien contrôler l'image qui va naître..
Christien fait aussi de la photographie un moyen de communiquer, de tisser des liens,
entraînant par exemple les enfants du village dans ses jeux photographiques. Créant
avec eux, à l'aide de l'appareil très rudimentaire et primitif du sténopé, un théâtre
d'ombres magiques.
Du deuil qui la frappe en 2001, Christien fait une raison de plus de créer, de photographier
les lieux, les gens, et à travers eux l'esprit de celui qui n'est plus. Son approche
de la photographie a quelque chose de la magie : ce n'est pas tout à fait notre monde
qu'elle fixe dans ses images tendres et énigmatiques, mais aussi le temps, le passage
vers l'inconnu.
En 2007 elle publie le livre "Do".
“Do” est un hommage a l’être aimé disparu, Armando, dit Do.
Le désir d’approcher les images que Do a dû cotôyer avant de mourir a fait retourner
Christien Jaspars aux endroits qui leur étaient chers à tous deux : les Pays-Bas (pays
de résidence de Do), le Suriname (son pays d’origine) et le Mali (possible pays de ses
ancêtres).
C’est pour cela que beaucoup d’images ont été faites a l’aide d’un sténopé ;
le temps d’exposition est long : on essaie d’attraper le temps qui passe, temps qui
sépare la vie de la mort ;
les rendus sont peu maîtrisés : on ne fabrique pas les images, on les reçoit.
“Do” traite de la question comment continuer à vivre avec une personne devenue
pensée.
“Do” traite de l’insupportable fragilité de l’existence.