jeudi 2 décembre 2004

Masques White - Bohnchang Koo


Exposition : Du jeudi 02 décembre 2004 au samedi 05 février 2005

La photographie coréenne est très peu présentée en France, mais elle révèle une vitalité que l’on pourrait comparer avec celle du cinéma que nous découvrons depuis quelques années. Bohnchang Koo est un acteur incontournable du récent développement de la photographie dans son pays. Sa proximité avec l’occident (il a étudié l’art et la photographie à Hambourg durant six années, et il a enseigné à Londres) lui a permis de jeter un pont entre les cultures, et de se retrouver à la fois historien d’une culture photographique jusque là négligée (textes et conférences), et acteur engagé dans la nouvelle création coréenne dont il a contribué à renouveller les perspectives. Le travail de Bohnchang Koo est difficile à cerner dans sa variété et son inventivité : il s’organise en cycles, chacun déclenché par la survenue d’un évènement, parfois important (la mort de son père), parfois anodin (un article de journal sur un entomologiste, contraint à l’exil du nord vers le sud et brûlant ses collections de papillons avant de s’enfuir), qui cristallise le vertige de la disparition, et suscite un travail, comme une concrétion qui se formerait à partir de cette blessure. Une oeuvre organisée en séries, donc, et chacune close sur elle même, une invention toujours renouvelée, mais avec une constante sous-jacente, dont je crois trouver l’indication prémonitoire dans un souvenir d’enfance que Bohnchang Koo relate dans un de ses livres : Un jour de repas de fête. Il s’agit de commémorer l’anniversaire de la mort d’un parent. Sa mère l’appelle et il court à la cuisine. Elle soulève le couvercle de la marmite où cuit le riz et il voit, émerveillé, les traces très distinctes des pattes d’un oiseau sur la surface blanche du riz. Sa mère lui explique que, lorsqu’une personne meurt, elle devient un animal, un oiseau par exemple, et que ces traces sur le riz sont un bon signe qui prouve que leur parent est venu parmi eux. Dans cette anecdote nous retrouvons les éléments d’une culture, et d’une poétique, qui traverse toute l’oeuvre de Koo : les liens qui unissent l’homme avec la nature et l’au-delà, l’importance des traces, leur ténuité et leur impermanence. Notre exposition est principalement axée sur un projet qui a amené Bohnchang Koo à parcourir la Corée durant plusieurs mois pour photographier systématiquement les danseurs masqués d’une tradition vieille de 1500 ans. Ces masques ont un caractère animiste, ils contribuent à relier les hommes aux forces de la nature et des esprits. Bohnchang Koo écrit à propos de ce travail : «J’ai toujours été intéressé par le surréel, les objets voilés, ou apparemment cachés derrière des rideaux, et j’étais curieux de les voir de plus près. C’était précisément le cas pour les danseurs. Plus j’étais fasciné par leur présence, plus j’étais déterminé à capturer le pouvoir caché sous les masques.» Un livre édité au Japon en 400 exemplaires par «Hysteric glamour» accompagne l’exposition.